Moins de 20 % des parents admettent ouvertement avoir un enfant préféré, alors que des études montrent que ce chiffre grimpe à plus de 80 % lorsque la question est posée de manière anonyme. La préférence parentale n’est pas toujours consciente, ni constante ; elle varie selon les périodes de développement et les circonstances familiales.
Des psychologues soulignent que même une affection bien répartie n’empêche pas les enfants de percevoir des différences de traitement. Les conséquences peuvent se manifester dès le plus jeune âge et influencer durablement les dynamiques entre frères et sœurs.
Pourquoi parle-t-on de préférence parentale ? Comprendre un phénomène courant mais souvent caché
Le favoritisme parental se glisse dans la vie familiale sans prévenir. On évite d’en discuter à table, on détourne la tête si la question surgit, mais il est là. Parfois à peine perceptible, parfois plus franc, il s’exprime dans de petits gestes, des mots choisis ou des silences. Les regards extérieurs n’arrangent rien : difficile d’avouer ce qui dérange, surtout quand la société s’empresse de juger. Pourtant, l’idée d’un enfant préféré traverse les âges, et ne se limite pas aux familles anonymes. Impossible de ne pas penser à Alain Delon et sa fille Anouchka, à Johnny Hallyday et ses enfants adoptés, à Margaret Thatcher ou à Élisabeth II et Andrew. Ces histoires publiques rappellent que personne n’est à l’abri de ces mouvements du cœur.
Ce favoritisme ne se manifeste pas toujours de façon consciente. Bien des parents ignorent qu’ils accordent un regard, une patience ou des encouragements particuliers à l’un plus qu’à l’autre. Pourtant, les enfants, eux, captent ces signaux, parfois minuscules, mais jamais anodins. Au sein d’une fratrie, chacun vit la situation différemment : ce qui blesse l’un semblera naturel à l’autre.
Voici plusieurs aspects qui éclairent la réalité du favoritisme parental :
- Le favoritisme parental n’a rien de figé : il peut survenir à un moment précis, puis s’estomper.
- Chaque enfant ressent ces nuances en fonction de son tempérament et de sa place dans la fratrie.
- Les effets se font sentir sur toute la famille, déclenchant parfois rivalités ou jalousies.
Peu de parents osent reconnaître qu’ils ont une préférence. Pourtant, la recherche et de nombreux témoignages l’attestent sans détour. Une mère évoque son fils David, d’autres biographies lèvent le voile sur le vécu de familles célèbres ou ordinaires. Ce silence, loin de faire disparaître le phénomène, l’enracine encore un peu plus dans le quotidien et dans les histoires familiales, parfois sur plusieurs générations.
Ce que disent les études : entre science, psychologie et vécu familial
Les chercheurs qui se penchent sur le favoritisme parental révèlent une réalité plus complexe qu’on ne l’imagine. Alexander Jensen et McKell Jorgensen-Wells, dans une publication du Psychological Bulletin, mettent notamment en lumière une préférence marquée pour les filles et les enfants jugés consciencieux. Les variables ne manquent pas : ordre de naissance, genre, tempérament… autant de facteurs qui modifient la donne au fil du temps.
Mais ces choix, même passagers, laissent une trace profonde. L’impact se mesure sur la santé mentale et le bien-être psychologique des enfants, bien après l’enfance. Une enquête menée aux États-Unis auprès de 708 jeunes adultes montre que 85 % d’entre eux ont eu le sentiment que leur mère en favorisait un plus que les autres. Cette impression n’est pas anodine : elle alimente la jalousie, multiplie les rivalités et déstabilise durablement la fratrie.
Une autre étude, parue en 2015, souligne un point inattendu : les enfants qui se sentent proches de leur mère ne sont pas épargnés. Les symptômes de dépression touchent autant ceux qui vivent dans la proximité que ceux qui traversent le conflit. La préférence parentale ne se contente pas de créer des tensions ; elle touche l’estime de soi, la réussite à l’école et parfois la stabilité émotionnelle pendant de longues années.
Les réflexions d’Anne-Marie Sudry, Catherine Siguret, Catherine Sellenet ou Ellen Weber Libby éclairent ces enjeux sous d’autres angles. Elles parlent du « chouchou », de la charge émotionnelle du favori, et de la difficulté à se défaire de cette image. Selon l’histoire familiale, le ressenti de l’enfant et la capacité du parent à se remettre en question, le favoritisme se vit tantôt comme une chance, tantôt comme un poids difficile à porter.
Parents, comment trouver le bon équilibre pour chaque enfant au quotidien ?
On ne clame jamais sa préférence parentale sur les toits. Pourtant, elle s’immisce dans le quotidien à travers mille petits détails : la personnalité de l’enfant, son ordre de naissance, parfois même son genre. Certains se retrouvent naturellement plus proches de l’aîné, d’autres s’attachent au cadet, ou à celui qui semble plus « facile » à vivre. Les études l’affirment : il n’existe pas de règle unique. Les critères varient, qu’il s’agisse du tempérament, du degré de responsabilité, de la ressemblance familiale ou du contexte de naissance.
Mais accorder une attention différente ne signifie pas forcément fausser le jeu. Les spécialistes invitent à distinguer égalité et équité. Donner la même chose à tous ne fonctionne pas toujours ; il vaut mieux adapter sa présence et son soutien à la personnalité de chaque enfant.
Voici quelques repères concrets pour ajuster la relation au sein de la famille :
- Offrir à chaque enfant des moments privilégiés, en tête-à-tête, loin des écrans et des sollicitations extérieures.
- Ne pas hésiter à expliquer, quand c’est utile, pourquoi certains besoins diffèrent : l’un demande de l’aide pour les devoirs, l’autre veut davantage d’autonomie.
- Écarter les comparaisons entre frères et sœurs, génératrices de jalousie et de rivalité fraternelle.
- Prendre au sérieux les ressentis et frustrations exprimés, sans chercher à les minimiser.
Prendre conscience de ses biais, c’est faire le premier pas. Reconnaître la place unique de chaque enfant dans la famille contribue à protéger leur santé mentale et leur bien-être. Quand l’équilibre familial ne rime plus avec symétrie forcée, mais avec un ajustement subtil, les tensions s’apaisent. Reste alors à écrire, au fil des jours, une histoire familiale où chacun trouve sa juste place.